Louange à Dieu,
Que la paix et la bénédiction soient sur le Prophète, Sa Famille et Ses Compagnons,
Madame la présidente,
Mesdames et messieurs les ministres,
Monsieur le secrétaire général,
Monsieur le directeur général,
Excellences, honorables délégués,
Mesdames et messieurs,
Il y a un peu plus de 5 ans, en ce même lieu où vous êtes réunis aujourd’hui, la communauté internationale a entériné l’accord créant l’Organisation mondiale du commerce. Parmi vous, nombreux sont ceux qui ont activement contribué à l’émergence de cette institution et suscité un espoir sans précédent au sein des pays en développement.
Nous nous étions alors séparés en cette ville de Marrakech, convaincus d’avoir jeté les bases d’un système commercial multilatéral fondé sur la règle de droit et qui consacre le consensus comme mode de gestion et de décision.
Nous avions les uns envers les autres, pris l’engagement solennel de tout mettre en œuvre pour favoriser la croissance économique, élargir les bénéfices du progrès technologique et de la société de l’information. Cet engagement visait tout particulièrement à supprimer toutes les entraves à l’intégration du monde en développement dans l’économie globale.
En vous souhaitant la bienvenue dans cette ville historique de Marrakech, nous voudrions vous inviter à saisir l’opportunité qu’offre cette conférence pour procéder à une évaluation sans complaisance de l’acquis et du bilan de la IXe CNUCED, des accords de Marrakech et de toutes les initiatives prises par la communauté internationale pour endiguer la pauvreté, freiner le processus de marginalisation des plus pauvres et rétablir l’équité de notre système économique multilatéral.
A quelques semaines du rendez-vous de SEATTLE, et à la veille de la réunion annuelle des institutions de Bretton Woods et de l’Assemblée générale de l’O.N.U., il nous semble fondamental que votre réunion envoie un message clair à la communauté internationale sur l’ampleur des défis que nous affrontons, sur les réactions de désespoir que nous observons ici et là et sur le doute qui commence à gagner les esprits quant à la démarche qui fut la nôtre dans notre quête pour le développement durable.
Depuis trois décennies et dans tous les forums multilatéraux consacrés au développement économique et social de l’humanité, nous étions parvenus en dépit de vicissitudes diverses, aux consensus qui s’imposaient pour apporter les réponses pertinentes aux fléaux du sous-développement.
Des progrès ont certes été réalisés dans un certain nombre de domaines mais force est de constater que le chemin à parcourir demeure long et fastidieux.
L’écart entre les populations riches et les populations les plus pauvres continue de se creuser inexorablement. Le poids de la dette continue d’absorber des ressources ô combien précieuses dans le financement des programmes destinés non pas à promouvoir la croissance économique, mais à assurer tout simplement la survie de populations de plus en plus vulnérables. Plusieurs autres indicateurs pourraient être cités pour appuyer ce constat sans appel qui caractérise aujourd’hui le monde en développement.
Pourtant, personne n’a remis en cause les principes de l’interdépendance, de la solidarité et du partage du fardeau du sous-développement. Personne n’ignore les dangers pour la paix et la sécurité que représentent l’exclusion et le désespoir.
Comment dès lors expliquer, à titre d’exemple, que l’engagement d’affecter 0,7 % du PIB à l’aide au développement n’ait jamais été rempli ? La baisse continue du niveau de l’aide publique au développement signifie-t-elle une remise en cause de cet engagement où que l’objectif tant de fois confirmé manque en réalité de pertinence ?
Comment comprendre et admettre le maintien de dispositifs à caractère protectionniste qui frappent les biens et services pour lesquels les pays en voie de développement ont clairement un avantage compétitif au moment où notre objectif commun est de bâtir un système commercial équitable ? Comment est-il possible d’accélérer la croissance des pays pauvres sans l’amélioration substantielle de l’accès aux marchés mondiaux et sans une évaluation adéquate de l’efficacité réelle des mesures préférentielles unilatérales ?
Comment s’étonner, au moment où tout le monde admet que le développement économique est intimement lié au développement humain, que de fortes pressions migratoires ne s’exercent sur le marché mondial de l’emploi ?
Comment expliquer l’attitude frileuse adoptée dans le traitement d’une question aussi cruciale que la dette lorsque l’on sait que son service est en soi un frein au développement et que les faibles flux d’investissements étrangers directs ne sauraient en atténuer les effets négatifs ?
Ces questions et d’autres, qui nous interpellent au quotidien, sont d’autant plus cruciales que le monde en développement a opéré une mutation considérable de ses politiques économiques et réformé en profondeur ses institutions politiques pour répondre aux conditionnalités multiples qui ont sous-tendu les divers programmes et mécanismes d’assistance économiques, qu’ils soient bilatéraux ou multilatéraux. Faute de résultats tangibles au niveau de l’amélioration des conditions de vie des populations défavorisées et de réponse crédible au chômage endémique, il est à craindre que la pérennité de toutes ces réformes ne soit compromise. L’instabilité politique, la recrudescence de foyers de tensions et de violence et les effets sociaux de la crise asiatique montrent à l’évidence que le degré d’acceptabilité des sacrifices s’érode indubitablement.
Il nous appartient en particulier de nous interroger sur l’utilité des objectifs convenus depuis longtemps et qui n’ont fait l’objet d’aucune exécution satisfaisante et sur l’intérêt de continuer à les maintenir dans notre ordre du jour sous leur forme originelle.
Nous sommes en définitive confrontés à un risque de dysfonctionnement majeur de l’économie mondiale. Il devient plus que jamais impératif de mettre en place les mécanismes opérationnels renforçant et garantissant une véritable cohérence entre les actions, réflexions et stratégies de l’ensemble des organisations internationales chargées des affaires économiques, commerciales et financières.
Notre très regretté père, feu Sa Majesté le Roi Hassan II, que Dieu l’ait en Sa Sainte Miséricorde, avait souligné cette urgence lors de son discours de clôture de la réunion ministérielle du GATT de Marrakech quand Sa Majesté proposait la création d’un groupe intergouvernemental de réflexion sur de nouveaux mécanismes de négociations économiques internationales. Cet appel qui est plus que jamais d’actualité, doit nous inspirer dans notre démarche collective visant à asseoir l’économie mondiale du prochain millénaire sur des bases rénovées.
La restructuration des institutions multilatérales devient dans ce contexte une priorité et un impératif afin de s’inscrire dans une approche nouvelle privilégiant les principes d’équité, de solidarité et d’éthique ainsi qu’un partenariat qui tire sa raison d’être des valeurs de l’interdépendance et de la responsabilité partagée.
Dans un monde de plus en plus intégré et interdépendant où l’initiative privée nationale et multinationale occupe une place centrale dans les rouages de l’économie mondiale et où la société civile à travers la prolifération des ONG, influence de plus en plus les décisions des Etats souverains, comment ne pas associer d’une manière ou d’une autre, l’ensemble de ces acteurs ?
Dans cet ordre d’idées, ne faut-il pas revoir la place et le rôle des PVD dans les grandes négociations internationales de manière à éviter leur confinement dans un rôle de spectateurs passifs ?
De même, le traitement spécifique et urgent des problèmes de l’Afrique en particulier et des pays les moins avancés plus généralement, ne devrait-il pas être parmi les premiers signes tangibles d’un engagement sincère pour un partenariat novateur résolument centré vers le développement humain ?
En énumérant toutes ces questions, nous voulions en fait réitérer notre conviction que le sous-développement n’est pas une fatalité en soi. Les mutations de toutes sortes que connaît le monde à l’orée du nouveau millénaire, loin de constituer des menaces supplémentaires pour les économies vulnérables comme les nôtres, dégagent en fait des opportunités nouvelles qu’il nous importe de saisir.
Nous ne pouvons tirer avantage de cette nouvelle donne économique mondiale sans la nécessaire adaptation de nos institutions multilatérales, de nos méthodologies de travail et des concepts de développement à ses exigences.
Notre responsabilité, à cet égard, sera de profiter de nos assises pour envoyer des signaux forts à nos partenaires pour que nous nous engagions ensemble et dès à présent dans un véritable processus vertueux nous menant sur la voie du progrès, du développement et de la prospérité partagée. Nous l’avions souhaite, il y a cinq ans ici même à Marrakech. C’est à partir de cette même ville que nous devons prendre ce nouvel élan pour atteindre nos objectifs communs.
Aussi, et comme nous l’avions souligné à l’occasion du 50ème anniversaire du GATT (accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) à Genève, et dans la perspective des prochaines échéances multilatérales qui coïncident avec l’avènement du nouveau millénaire, nous devons œuvrer à la mise au point d’un programme d’action ouvert qui nous permettra d’intégrer toute mesure, toute action et toute initiative pouvant constituer une solution volontariste aux déséquilibres et aux difficultés qui nous préoccupent.
Fidèle à ses traditions fondées sur les valeurs de dialogue et de compréhension mutuelle, le Royaume du Maroc est déterminé à contribuer pleinement à l’instauration d’un système multilatéral plus ouvert et à œuvrer en faveur d’un système prévisible, transparent et équitable.
Je vous remercie de votre aimable attention.
Que la paix soit sur vous.